Anti-réac tu perds ton sang-froid

À écouter dans Inox Circle #07

Malgré des racines populaires voire prolétariennes, le metal se veut depuis longtemps apolitique. Et si quelques artistes fricotent avec la gauche (RATM, Napalm Death), mettent en avant leur militantisme pour la cause animale (Napalm encore lui, Cattle Decapitation…), leur goût pour la nature ou l’écologie (pagan / folk metal), peu revendiquent vraiment un positionnement politique fort. Sauf qui vous savez. Oui. Eux. Les noirauds qui se veulent 100% blancos, les clowns en noir et blanc et surtout en mal de sensation forte : si beaucoup ne sont que des imposteurs à posture, d’autres, à la marge, font partie de l’amicale de la petite moustache qu’on appelle aussi l’association des gros fils de putes de nazi.
Hey, comment il y va m’sieur REM, il ne nous a pas habitué à ce registre…
Je confirme.

Parce que, de la même manière qu’on supporte le tonton rougeaud à la fin du banquet de famille avec ses blagues racistes et/ou salaces, sous prétexte qu’il fait partie du clan, qu’il vient d’une autre époque, qu’il n’a pas eu la même éducation, etc., on a supporté les nazillons du black metal. Parce qu’ils étaient peu nombreux, relativement irréductibles (autant essayer de convaincre un parpaing d’être moins lourd) et finalement pas bien dérangeants tant la faible portée de leur pensée et de leur raisonnement ne leur permettaient pas de recruter en masse, même en ciblant les aussi cons qu’eux. Mais les temps changent.

Depuis quelques années, partout, une sale odeur flotte ; les cons, renforcés par l’idée qu’internet leur donne la possibilité de s’exprimer, s’imaginent qu’ils doivent le faire. Et par un jeu subtil d’inversion des valeurs, il est devenu acceptable d’afficher des opinions révoltantes, racistes, sexistes, rétrogrades en toute impunité. L’idée de liberté d’expression, elle aussi pervertie à l’extrême est venue légitimer la parole de ces gens-là.

Ce phénomène détestable a bien entendu touché notre petit monde. On le pensait préservé tant les aficionados ont toujours dit « on laisse la politique dehors ». Mais c’est fini. Les fafs, les sexistes, les droitards sont partout, même chez nous. Jusque-là, je n’ai personnellement pas affiché mes opinions politiques, même si, l’auditeur attentif a probablement tiré ses propres conclusions à partir d’indices laissés ici et là au fil des années.

Mais dans la mesure ou les réacs ne se gênent pas pour amener leur discours et leur propagande réactionnaire dans le débat, je ne vois pas pourquoi, Inoxydable ne prendrait pas position. L’événement déclencheur c’est évidemment la constitution du Circle. L’équipe qui m’entoure s’est agglomérée, solidifiée au départ autour du projet de magazine comme vous le savez. Mais le hasard a voulu que nous partagions tous les mêmes valeurs. Celle de la gauche en général. Je ne vous parle pas de la droite libérale déguisée en centre mou à la Hollande ou des Pasqua planqués derrière une rose à la Emmanuel Valls. Je vous parle de la gauche au poing serré, pas trop fric, pas trop chic, pas trop clique.

Ça ne veut pas dire que tous les gens réunis aujourd’hui autour de cette table sont tout le temps d’accord, loin de là, cela signifie juste que nous partageons l’essentiel. Et l’essentiel qui nous préoccupe aujourd’hui c’est la manière avec laquelle notre musique, nos pages internet, nos sites, nos émissions, sont polluées par les zemmours à patches, les fafs à podcasts, les antisémites du commentaire et les harceleurs de concert. J’en ai marre de ces gens qui viennent, en tout impunité, profitent du « on ne fait pas de politique dans le metal » pour balancer leur propagande nauséabonde et rétrograde.

Donc, aujourd’hui on va parler politique et on va brasser large : complotistes, fachosphère, anti-#metoo,  etc. Mais on va aussi parler des justice warriors qui jugent tout et tout le monde et qui font un procès parce que, quand même, la pochette de Sign of the hammer, elle serait pas un peu doute ? Et pour ça on a décidé de tous se retrouver, « pour de vrai », face à face, parce qu’une émission normale ne permettait pas à tous de s’exprimer et pour que vous ayez la possibilité d’entendre les nuances de chacun, et pour vous donner également une idée de la situation si elle ne vous est pas familière.

Se positionner, même dans un cadre aussi modeste que celui d’un podcast à micro envergure comme Inoxydable, c’est choisir. Et choisir c’est aussi renoncer. Donc, certains, parmi vous, dans le monde des auditeurs, vont se barrer. Certains en ont déjà peut-être envie. Si nous n’arrivons pas à vous sensibiliser ne serait-ce qu’un peu après nos échanges, à vous faire vous questionner, alors bon vent. Je me fous bien de l’audience. Si, à cet instant, vous faites partie des choqués de la morale, posez-vous la question sur le titre « Inoxydable »,  et sur le « stay clean » que je lance en fin d’émission depuis plusieurs années ; les deux ont le même sens. Pas de compromis, pas de tache, pas de rouille, pas de gangrène. Et si en 2022, la gangrène se répand un peu partout, elle ne s’installera pas par ici.